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(G et F, face à face, les mains entrecroisées, semblent tenir entre elles une grille).
G : Je suis prisonnière. Madame, sauvez-moi!
F : Non. C’est moi, la prisonnière. Sauvez-moi s’il vous plaît!
G : Ne jouez pas avec moi. Je suis derrière les barreaux.
F : Cruel sarcasme. Ces barreaux sont devant moi.
F et G : Libérez-moi!
G : Tortionnaire!
F : Cerbère!
G : Rendez-moi la liberté!
F : La gardienne demande la liberté à sa prisonnière!
(G se laisse tomber par terre et pleure).
G : Pitié!
F : Je ne comprends pas ce que vous cherchez. Vous voulez que je vous supplie en pleurant comme vous feignez de le faire? (Elle se laisse tomber, comme G). Voyez, je n’ai pas d’orgueil. Rendez-moi la liberté, je vous en prie.
G (criant) : C’est moi la prisonnière! !!
F et G (debout) : Libérez-moi!
F : S’il n’y avait pas ces barreaux, je te tuerais!
G : Maudite géôlière, tu mérites la mort.
F : Ah! Si je pouvais détacher les mains de cette grille pour t’étrangler … !
G : Toi, tu peux le faire, mais pas moi. Mes mains sont collées.
F : Menteuse! Tu es là de ton plein gré.
G : C’est toi qui as choisi de rester pour épier mon agonie. Je te hais.
F : Je te hais.
(E et F font des efforts pour détacher leurs mains).
G : Tu ne te rends pas compte que c’est horrible de rester toujours dans la même cellule, au même endroit?
F : Si, je m’en rends compte. Libère-moi, que je puisse de nouveau courir, voyager …
E et F : Rends-moi la liberté. C’est moi la prisonnière.
(Elles pleurent sourdement, se regardent).
G : Tes larmes n’ont pas l’air feintes.
F : Tes pleurs non plus.
G : Peut-être as-tu pitié de moi.
F : Peut-être que tu pleures vraiment devant mon malheur.
G : Voilà des siècles que tu es devant ma grille.
F : Depuis que je suis prisonnière, tu n’as jamais quitté ton poste.
G : Tu as toujours été en face de moi.
F : Tu es vieille et fatiguée.
G : Tu souffres.
F : Va-t-en, tu vois bien que je ne peux pas m’échapper. Toi qui est libre, repose-toi.
G : Tu recommences. Arrête de mentir. Ne t’obstine pas à rester. Profite de ta liberté.
F et G : C’est toi qui es libre, pas moi. Profite de ta liberté.
(Pause. E et F s’observent mutuellement avec méfiance, puis avec amitié).
G : Tu restes?
F : Bonne geôlière, je commence à te comprendre …
G : Tu es folle. Tu persistes …
F : … à t’occuper de moi, et par bonté, à vouloir …
G : … me faire croire que c’est moi la gardienne …
F : … et que je ne suis pas ta prisonnière. Tu es folle.
G : Bonne geôlière, je commence à te comprendre.
(Pause. E et F manifestent une grande décontraction, un relâchement musculaire).
F : Il doit faire nuit de nouveau. J’ai sommeil.
G : Oui, allons dormir.
F : Demain, peut-être, une autre gardienne viendra te remplacer.
G : Demain, peut-être, tu t’en iras, geôlière.
F : Demain, peut-être, la nouvelle gardienne me délivrera.
G : La nouvelle gardienne, peut-être, me donnera la liberté.
F et G : La nouvelle gardienne, peut-être, nous donnera la liberté!
(Elles s’endorment).
(NOIR)
Alejandro Jodorowsky, Opéra Panique, Editions Métailié, 2001, pp. 25-28.
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