RELIANCE COACHING Conscience et éveil de soi

Conscience & Connaissance de soi | Développement personnel | Evolution personnelle | Réalisation de soi | Potentialiser les situations de vie

Mise en maux

 

lever de rideauLever de rideau.

Antoine, 62 ans. Ancien militaire reconverti en électricien.

Cet homme, habité par la rage, est un habitué des chambres d’hôpital. Depuis quatre ans, elles sont devenues son antre dans lequel il se cloître volontairement. Elles sont son refuge. Comme pour fuir un passé qui le hante, le ronge, le consume.

18 ans. Jeune recrue militaire envoyée sur le front en Afrique. Des missions secrètes se succèdent dans des villages reculés où la population répond par les armes. Population composée majoritairement de jeunes enfants, kalachnikov en main. Moyenne d’âge : 10 ans.

« Les éliminer. Gagner le combat. »

« Les éliminer. Respecter les ordres. »

« Les éliminer. Libérer les frontières. »

Les missions s’enchaînent à un souffle effréné. Pas le temps de s’appesantir sur toutes ces morts. Pas envie.

Retour en France après un an de combat. Cauchemars à répétition. Stress post-traumatique évident mais évité. Signes saillants d’une profonde dépression mais refus de voir la réalité. Fuir ces épisodes. Effacer ces actes de barbarie. Les refouler jusqu’à les nier. Jusqu’à SE nier. Se perdre dans les remous d’une mémoire lacérée, injectée de sang, peuplée de peurs, de cris de l’âme tant de fois tus ….

Revers de la main.

Nouvelle vie. Électricien. Rencontre inespérée avec une femme qui va devenir sienne et l’accompagner sur la route de son repentir, dans ce Purgatoire entouré de bûchers. Naissance de deux enfants.

Remonte-pente manuel. La version automatique n’a pas été activée. Peur que ça aille trop vite, peur de se scratcher. Peur de dire la honte. Honte de dire la peur. Il s’enferme, se cloisonne et s’identifie à SA honte. A cet indicible. Il EST la Honte.

Cauchemars. Sueurs. Ruminations solitaires. Soliloques confinés dans les circonvolutions d’un cerveau comprimé, prêt à exploser. Dédoublement de la personnalité.

L’artifice brinquebalant traîne sa plaie et résiste malgré le nombre incalculable de fissures qui présagent et prédisent l’inavouable, l’indicible.

02 mars 2012 : le couperet tombe. Cancer de la peau stade IV. Pas voulu voir les signes avant. Pas eu envie de bouger. La vie s’est mue en cet insoutenable désir de se dissoudre. Lentement.

Ce cri du corps est cette âme qui suppure le fiel de sa damnation. Peau imprimée du sceau de la mort, de la culpabilité, de la dissension, de la haine. De l’incapacité de se pardonner, d’accepter cet autre, cet étranger, ce violeur d’âmes, ce passeur d’outre-tombe.

4 ans de fuites renouvelées. 4 ans englués dans le refus. Dans la négation. Dans la désapprobation. Dans les prémices de cette Mort qui parle à sa place, qui imprime tous les non-dits, qui supplante la Parole, qui dit ce qu’il se refuse toujours à lâcher.

La chimiothérapie le maintient en vie. Il n’est plus que le spectre d’une mort annoncée qu’il accueille et accepte comme étant l’unique voie de libération. Sa chambre d’hôpital est la seule à le comprendre et à l’accepter sans mots dire.

C’est son choix, sa décision. En attendant, son corps continue d’imprimer avec encore plus de force son obstination traçant au fer rouge les nervures d’une mémoire sclérosée. L’entrevoir est une invitation à parcourir la mappemonde de ce cheminement de l’âme où sinuosités, rugosités, et remous innervent son cœur mutique. Il n’est plus. La violence mue en maladie EST et l’incarne.

C’est SA sentence. Plus le droit de vivre après avoir commis l’irréparable.

« Je dois crever comme j’ai crevé tous ces mômes ».

C’est la seule phrase qu’il se sera autorisé à dire dans des moments où la colère et la rage auront été à leur paroxysme. La parole essaie de se rebeller à travers ces éruptions mentales et de se frayer un passage. Éruptions cutanées. Elles irradient dans son corps comme de l’acide en une inflammation qui brûle ses tissus. Purification par le feu. Nettoyage complet. Éradication du virus. Lambeaux de peau qui s’arrachent inextricablement de cette putréfaction choisie et consentie.

Impuissance des siens, d’une famille disloquée, atterrée et apeurée.

Silences entrecoupés d’atermoiements. Silences ponctués de « Pourquoi? ». Silences entremêlés d’amertume. Silences scandés par des injonctions assassines : « Tu n’es qu’un putain d’égoïste! Et tes enfants, tu y penses? Et moi? Je t’ai tout donné. TOUT! … ».

Ressentiment. Colère. Incompréhension. Tristesse.

Silence.

Personne n’a à juger ce qu’il se passe, ni sa décision. Son histoire parle d’elle-même.

Il est 23h06. Son corps vient de rendre les armes.

Ce chapitre de sa vie se termine comme il a commencé. Par la mort.

Baisser de rideau.

Personne n’est là pour applaudir.

 

Extrait du recueil Fragments d’histoires, de Marina TABEL

 

 

Pour aller plus loin :


Une envie, un projet, un objectif en tête ? PARLONS-EN !

Envie de mieux vous connaître ? D’être davantage réceptif aux appels de votre âme ?   CONTACTEZ-MOI !

Laisser un commentaire

Choisissez une méthode de connexion pour poster votre commentaire:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Information

Cette entrée a été publiée le 04/04/2016 par dans Fragments d'histoires, et est taguée .

Copyright © 2015-2023 Tous droits réservés.

Avertissement plagiat et « délit de contrefaçon » : Tout plagiat volontaire ou involontaire caractérise le « délit de contrefaçon »  sur le plan juridique (art. L335-3 du Code de la propriété intellectuelle).

%d blogueurs aiment cette page :