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Exister ou l’espace du silence

Reliance Coaching

Nous avons beaucoup de contacts, mais nous ne rencontrons personne. Nous avons oublié de prendre le temps et la peine d’exister tout simplement et de nous rendre attentifs à la simple existence des autres.

Zao WOU-KI (1921-2013), Le Soleil rouge. 1950.

L’autre existe avant même que je m’approche de lui. Il est marqué par une histoire personnelle inconnue de moi, il est inséré dans un tissu de relations qui exigent de lui des comportements dont j’ignore le sens, il est contraint de jouer dans la société un rôle qui le montre et le cache tour à tour. Si je souhaite le rencontrer, je dois tout d’abord ne pas trancher arbitrairement dans cette complexité qui m’échappe pour ne retenir que tel ou tel côté de son visage. En un mot, je dois lui permettre d’exister devant moi tel qu’il est sans prononcer des jugements hâtifs, sans lui imposer les normes de mes idées préconçues ou de mon système d’interprétation, sans chercher à les faire entrer dans mes projets, mes préoccupations ou mes désirs.

J’ai beaucoup de mal à supporter l’étrangeté de l’autre, son caractère insolite, sa nouveauté par rapport à ce que je puis savoir ou ce que mes conversations avec les hommes ont pu m’apprendre antérieurement ; j’ai donc tendance à le réduire au déjà-vu et au déjà-connu. Comment tolérer longtemps que cet étranger qui prend place en face de moi me fasse revenir à un état d’ignorance, trouble ma tranquillité, m’oblige à sortir de mon propre pays pour entrer dans le sien, remettre en question mes manières trop étroites de penser et de voir et finisse par ébranler mes certitudes établies. Pourtant, si je n’accepte pas tous ces risques, la communication entre nous ne pourra pas s’établir, pour la bonne raison que je ne lui donne pas la possibilité d’exister.

Laisser exister l’autre, c’est lui permettre, en effet, d’être lui-même. S’il veut s’enfermer dans un rôle ou dans les limites que sa fonction sociale lui assigne, peu importe. Puisque c’est aujourd’hui ou maintenant son souhait, je n’ai pas à forcer sa porte, à le contraindre à manifester le fond de sa personne. S’il veut se contenter à l’heure présente de la pluie et du beau temps, de n’aborder que des questions qui ne le concernent pas directement, de bavarder de tout et de rien, j’ai à le laisser être ce qu’il désire. A travers ces paroles banales ou surfaites, il en dit déjà bien assez sur lui-même, car il y a l’intonation de la voix, il y a les gestes, il y a les accents ; et, peu à peu, se lève une série d’harmoniques qui le dévoile bien au-delà de ce qu’il formule en clair. Quelqu’un apparaît dans sa complexité vivante que je m’efforce seulement de laisser être ce qu’elle est, de laisser se répandre et me remplir sans savoir où nous allons, sans comprendre, sans interpréter, sans réfléchir surtout, car cela mettrait fin à cette relation de pure existence, qui est comme l’humus de toute rencontre possible.

Si je ne laisse pas l’autre et les autres exister, c’est que je n’existe pas moi-même. Il me semble que permettre à mon interlocuteur de se livrer ainsi devient pour moi une menace. Je crains de me voir engloutir par cette marée qui monte, par ces forces premières qui ne vont pas manquer de se manifester si je n’élève immédiatement quelque digue puissante, si je ne m’affirme pas moi-même par un contre-bavardage, si je ne tente tout de suite de dire ma propre pensée et de formuler un certain nombre de propositions qui diffèrent des siennes. Je suis incapable de me taire et de recevoir l’autre qui m’arrive de plein fouet, parce que je manque de véritables bases personnelles, parce que l’arrière-pays me fait défaut et qu’autoriser l’autre à passer mes frontières les plus visibles, c’est me condamner, semble-t-il, à une irrémédiable invasion.

Apprendre à se taire constitue la première condition de toute rencontre. Il ne s’agit pas de mutisme, cette caricature du véritable silence, mais d’un accueil sans limites, qui peut d’ailleurs se traduire en surface tout aussi bien par la parole que par son absence. Tant que l’on arrive à l’autre avec ses prétentions, fût-ce celle de l’affection la plus intelligente ou du zèle le mieux intentionné, on ne le respecte pas vraiment dans ce qu’il a de plus personnel. A l’inverse, faire silence en soi-même, non par principe ou par méthode, ce qui serait encore une fois de s’imposer mais parce qu’on accepte d’abord de ne pas comprendre, de ne pas savoir, de ne rien connaître, donne à l’autre l’occasion d’expérimenter quelque chose de l’amour créateur, car il existe, il se met à exister pour quelqu’un, il entre dans une relation où la totalité de sa personne, et non pas seulement l’un ou l’autre de ses aspects, est prise en considération. Si l’on peut reconnaître en cette attitude la base de la véritable charité, on peut y voir également son faîte, car le plus grand amour est celui qui embrasse, reçoit, affirme toute l’existence de l’autre et se lie à tout ce qu’il est aujourd’hui.

Lorsque le silence s’établit entre deux individus, lorsqu’il se propage dans un groupe ou qu’il circule au coeur d’une assemblée, chacun découvre qu’il existe avec et pour les autres. Il reprend contact avec les forces mystérieuses, qui, bien au-delà des paroles, des gestes ou des actions, travaillent les personnes réunies et leur donnent de communiquer à un niveau qui peut d’abord sembler élémentaire, mais qui, en faisant tomber les barrières formelles et pauvres des relations coutumières, se révèle comme l’origine de tout. Il ne s’agit pas là, cependant, d’un retour au chaos, mais d’une participation aux sources vives de l’humanité que les lois, les règlements, les habitudes sociales et les dogmes tendent à cacher par souci d’établir l’ordre et introduire à un univers policé. L’Esprit d’amour, seul capable de rassembler les hommes, et d’avoir l’Esprit créateur qui vient briser tous nos cadres rigides et froids, qui rend fluides toutes les institutions, bouscule toutes les défenses pour transmettre la vie et le mouvement. Il faut se taire devant les autres pour entendre bruire ce souffle plus puissant que tous les efforts des volontés humaines, fussent-elles attelées au même labeur, plus saint déjà que la hauteur des pensées communes et l’élan conjugué des coeurs.

Qui estime cette voie peu sûre, susceptible de faire régresser et non pas grandir, montre peut-être qu’il en a peur, parce qu’il est lui-même « inexistant » et que la pure présence aux autres, comme la pure présence à Dieu, sommet de l’union, le renvoie à sa propre inconsistance. Incapables d’être, nous nous précipitons dans le verbiage, la fébrilité et le divertissement. Nous avons beaucoup de contacts, mais nous ne rencontrons personne. Nous avons oublié de prendre le temps et la peine d’exister tout simplement et de nous rendre attentifs à la simple existence des autres.

Lignes extraites de l’ouvrage L’apprentissage de la liberté. Dits et écrits (1964-2016), de François Roustang, Éditions Odile Jacob, Octobre 2022, Paris, pp. 50-52.

Pour celles et ceux que cette thématique intéresse et qui voudraient en approfondir la nature, je vous renvoie vers la réflexion intitulée Accéder à la liberté.

Et pour vous, qu’en est-il? Comment laissez-vous l’autre exister?

On en parle? 😀

La section Commentaires n’attend plus que votre apport pour venir s’enrichir sur le sujet. 👍

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Cette entrée a été publiée le 09/06/2025 par dans Articles, Lectures, et est taguée , , , , , , .

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