Conscience & Connaissance de soi | Développement personnel | Evolution personnelle | Réalisation de soi | Potentialiser les situations de vie

– La force n’était qu’une apparence chez lui. Ton père était un être plein d’espoir, comme toi. Et vous, les personnes confiantes, êtes toujours faibles, seuls nous autres qui n’espérons rien pouvons être vraiment forts. L’espoir est une faiblesse, un manque de connaissance, une impuissance de l’âme … Lis Spinoza, lis Épicure : le plaisir, la connaissance et l’action n’ont nul besoin de l’espoir. Ils l’excluent et le pulvérisent par leur existence même, leur simple présence.
J’avais souri lorsqu’il avait évoqué la rapidité, et il avait deviné que je pensais à cela, au rythme, à la vélocité et aux différentes manières de percevoir le temps, pour la vie comme pour la mort. À certains égards, nous nous ressemblions tous, nous les Rapides de la famille, mais j’avais le sentiment que, contrairement à moi, Artur avait vécu pleinement, comme U., et tout ce que je découvrais et dont je ne m’étais pas rendu compte avant me confirmait à quel point ma façon de transiter par le temps était anormale. Au terme de ces heures de plénitude qui touchaient à leur fin, j’allais devoir affronter de nouveau cette anormalité. Comme s’il lisait une fois de plus dans mes pensées, U. dit :
– Te souviens-tu que tu avais toujours peur de t’ennuyer?
– Oui. (Je souris). Je m’en souviens, mais je ne le comprends pas.
– Tu avais développé tant et tant de stratégies pour ne pas t’ennuyer …
– J’ai le vague souvenir de m’être énormément ennuyée dans la maison des Bach …
– Non, tu te trompes. Tu avais peur de t’ennuyer, mais tu ne t’ennuyais jamais. Tu étais une petite fille curieuse qui avait toujours quelque chose à faire.
– Tout se réduit peut-être à un composé chimique, à une conduite anxieuse, à l’impatience … Tu sais, lorsque j’étais étudiante, au laboratoire on travaillait sur une souche de rat, les Roman High-Avoidance, RHA. Ils adoraient explorer, changer de lieu, manipuler un jeu puis un autre … Ils changeaient constamment d’endroit et d’activité sans raison apparente, et ils fourraient leur nez partout … Naturellement, ils se débrouillaient très bien pour exécuter les tâches simples, mais quand on compliquait les parcours, les labyrinthes, ils commettaient beaucoup d’erreurs. C’étaient des explorateurs distraits, disons …
– Mais ils ne pensaient sûrement pas en permanence à la prochaine tâche, eux. Ils faisaient les choses pour les faire, et non pour en finir et passer à autre chose!
– Bien sûr, je ne dis pas que ce soit mon cas … Ce que je veux dire, c’est qu’on a découvert récemment chez ces rats un fonctionnement différent de la dopamine dans le cortex préfrontal et le noyau accumbens, deux régions importantes pour les fonctions de l’attention et de la résistance à la tentation …
Je m’étais arrêtée quand je m’étais rendue compte que j’essayais de justifier ma nature empressée par des données scientifiques, comme Artur le faisait souvent, et je m’étais sentie comme une petite fille en train d’expliquer qu’elle a tiré la langue à son papa parce que sa langue est sortie toute seule.
– Très bien, avait souri U. Tu es un rat Roman, mais tu dois bien pouvoir y faire quelque chose …
– D’accord, mais ne me dis pas que je ressemble à Artur! Contrairement à lui, quand je lis un article sur une avancée scientifique dans ce sens, une découverte sur notre comportement, je ne me sens pas plus libre mais plus esclave au contraire …
– Ce n’est pas la question. Il s’agit de ne pas accorder une importance excessive à ces découvertes … Que chacun reste dans son domaine ! Que les chercheurs cherchent, et que les profanes profanent ! Je fais partie de ces derniers, bien sûr …
Il haussa les sourcils et ajouta :
– Nous ne sommes peut-être bien que des petites machines, mais nous devons lutter contre l’évidence. Si nous pensons que nous nous réduisons à un taux d’endorphines ou de dopamine en augmentation ou en diminution, nous sommes perdus, n’est-ce pas?
– Je suis totalement d’accord avec toi …
– Alors que comptes-tu faire pour régler … ton problème?
– Me battre. En ce moment, mon grand projet est de récupérer le temps que j’ai économisé ; j’ai mis du temps de côté et je ne le retrouve plus nulle part! Récupérer le temps est mon grand projet.
– Est-ce ce que tu mesures qu’en élaborant un projet qui comporte une finalité, tu renonces déjà au temps?
– Et comment! Mais que veux-tu que je fasse?
– Ça, je l’ignore. Au moins, on ne peut pas nier que tu souffres d’une maladie en adéquation avec ton époque. Vous vous donnez beaucoup de mal, tous, vous vous évertuez à courir, à triompher du temps, à le combattre, à vous en emparer avec une incroyable avidité, une intensité terrifiante … Même les croyants, qui croient en une autre vie, s’agitent comme s’ils pensaient, au fond, que ce en quoi ils croient n’est qu’un conte pour enfants, comme s’ils savaient qu’il n’y a rien après et qu’il faut vivre le maximum de choses possibles ici-bas … Je ne te dirai pas que tu ressembles à Artur car pour lui, le temps était autre chose. Il n’avait jamais le temps, c’est vrai, mais celui qu’il avait, il le remplissait sans hâte.
Il m’avait regardée, s’était levé et, de toute sa hauteur, seulement un peu plus voûté que dans le bon vieux temps, il m’avait annoncé d’un ton solennel qu’il allait pisser. Avant de me tourner le dos, il avait ajouté :
– Le temps s’en va, madame, le temps s’en va!
– Las le temps, non, mais nous nous en allons, avais-je complété.
Et devant son regard surpris, j’avais précisé :
– Nous venons de réciter du Ronsard …
– Ronsard? Caramba! Sacré Ronsard …
– Tu vois, je ne suis pas la seule à faire des citations littéraires sans le savoir. Ce n’est pas l’un des tiens, ce Ronsard?
– Tu as mal compris, c’est simplement que je n’ai jamais rien lu de lui.
Imma Monsó, La femme pressée, Éditions Robert Laffont, Paris, 2013, pp. 404-407.
Et pour vous, qu’en est-il?
🔎 Quelle perception avez-vous du temps?
🔎 Dans quelle mesure avez-vous tendance à vous définir dans une catégorie bien particulière?
🔎 Vos journées sont-elles rythmées par des injonctions du type : “Dépêche-toi!”? Si tel est le cas, que se cache-t-il derrière cette injonction à aller plus vite, encore plus vite?
🔎 Pour les autres, à quelle pulsation votre quotidien est-il soumis?
🔎 Qu’est-ce que ces deux termes « lenteur », « rapidité » signifient pour vous?
🔎 Dans quelle mesure vous rendez-vous disponible en dehors des tâches que vous vous assignez au quotidien?
🔎 À quoi donnez-vous la priorité?
🔎 Qu’en résulte-t-il?
On en parle? 😀
La section Commentaires 👇 se fait d’ores et déjà une joie d’accueillir et de recueillir vos interrogations, pensées, ressenti, vécu, doutes sur le sujet.
Alors, cette notion de temps, comment s’exprime-t-elle dans votre quotidien?
Je suis tout ouïe 👂.
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