Conscience & Connaissance de soi | Développement personnel | Evolution personnelle | Réalisation de soi | Potentialiser les situations de vie

Mes premiers gestes ici : creuser la terre. Ouvrir une fosse. Et disparaître. Quotidien du manoeuvre : tant qu’il n’a pas trouvé l’arc-en-ciel de son livre, il doit creuser. S’enfermer dans ses graines. Sinon, comment méditer la mort et l’arbre? Peu importe que son travail soit rebutant ; l’érosion du dolmen est plus active que les ruissellements de l’instant. Et ici les deux se rejoignent. Le manoeuvre, le maçon : projet fourchu. Comme nos mains.
J’aime bien les échafaudages ; en rêvant un peu, en se laissant aller, on peut s’y perdre, s’oublier. Plus ils sont hauts, plus les instants de vertiges communiquent avec le présent, avec les mots d’en bas qui sont à l’origine du feu, du travail. Ce que dit un homme là-haut est fumée. Signe. Vrai souffle : sa voix ne fait qu’attiser.
Il est des écrivains qui, tels Christian Bobin, Jean Grosjean, Pierre Bergounioux entre autres, savent rendre, dans leurs écrits, la quintessence du réel. Il nous apparaît alors sous sa forme la plus brute qui soit, dans sa nudité la plus extrême ; une nudité enveloppée du regard contemplatif et de la sensibilité de ces auteurs qui font de chaque ligne un antre de poésie.
Thierry Metz fait partie de ces poètes. Son verbe se veut épuré, direct, dépouillé de tous les artifices qui pourraient en dénaturer le réel et la portée. La terre, le travail de la terre, de la pierre ; le labeur, la subsistance sont l’épure, entre autres, au moyen de laquelle il nous en livre les accents, la substance, l’essence.
Simplicité est le maître-mot qui caractérise l’entièreté de son oeuvre. Une oeuvre qui s’offre au lecteur – telle quelle. A prendre ou à laisser. On sent, sous une plume qui parfois se contracte sous le poids d’un labeur ingrat et d’une forme de désespérance qu’il côtoie au quotidien (la dure réalité des chantiers de construction contre laquelle, des hommes, las d’une vie qui ne cesse de les rejeter contre les falaises de l’oubli, viennent durement se cogner), la finesse d’un regard dont rien n’échappe à sa concentricité. En ce sens, à l’instar de celui d’un Christian Bobin bien que sur un registre différent, c’est la nature de ce regard – un regard qui se place dans le lieu de l’attention, de la présence, de l’être des choses, du geste maintes fois répété, de l’ordinaire, de la quotidienneté – qui sait capter ce qui se refuse au nôtre qui tend à en rejeter l’essence, la substance n’y voyant qu’une routine sclérosante, affadissante, aliénante et donc à en écarter le principe d’action. Car c’est bien derrière ce cycle – le cycle d’une éternelle répétition à l’oeuvre, de la contemplation de la matière, de sa suffisance, de son déploiement qu’émerge le merveilleux tapi derrière le banal, le terne, le gris, l’habitude, la lassitude, la salissure, le petit, tous rendus captifs de nos regards qui finissent par en doter chaque encoignure d’un aplat dénommé Morosité, Fadeur. C’est ici, précisément, que réside la force d’action de Thierry Metz. Il rend à l’ordinaire, à la banalité, à la quotidienneté, à l’habitude, à la répétition, à la monotonie leur force d’action en se dessaisissant du ressenti pur et en plaçant sa propre physicalité sur la terre qui la soutient, la porte, la polit et au moyen de laquelle, à son tour, il sculpte, modèle, façonne, burine, entaille ses empans jusqu’à ce qu’une forme y échoit. La main se fait alors l’organe qui, le jour, s’empare de cette matière pour la retourner au sens littéral du terme et qui, à la tombée de la nuit, se laisse agir, labourer, instruire, élever par ce retournement de la matière pour, à nouveau, l’éprouver sur le grain des feuillets sur lesquels son langage transcende ce qui est pour en restituer l’Esprit, la substantifique moelle. L’ultime. L’assemblage se veut concis. Il en va de la clarté de la chose ainsi éclairée sous la grâce de son Oeil.
Dans Études, Yves Leclair, écrivain, poète et essayiste, nous livre une critique du poème intitulé Terre précédemment paru aux Éditions Opales / Pleine page en 1997 et réédité dans une nouvelle édition accompagnée de sept peintures de Véronique Gentil dont, selon l’éditeur Pierre Mainard, “ la minéralité offre un écho à la substance du poème”. En voici la retranscription.
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Thierry Metz (1956-1997) s’est suicidé dans son logement à Bordeaux. Il fut soigné pour maladie alcoolique, à la suite de la mort accidentelle de l’un de ses enfants. Inconsolable, il ne cessa pourtant, du plus bas de cette vie, de faire jaillir des images comme des fleurs de résurrection. Manœuvre, ouvrier agricole, l’écrivain autodidacte s’est d’abord nourri à la grande école des livres qu’il achetait chez les chiffonniers d’Emmaüs. Ses Poésies (1978-1997) (Pierre Mainard, 2017), son Carnet d’Orphée (Les Deux-Siciles, 2011), son Journal d’un manœuvre préfacé par Jean Grosjean (Gallimard, « Folio », 2004) font de lui le « grainetier » d’une terre promise et le maçon d’une « maison commune » habitable.
Dédiée à Lydie Dattas, Terre est le récit en prose poétique d’une quête initiatique semée d’illuminations familières : le travail du poète consiste à soigner les moments de cette vie qui souffre de notre manque d’attention et d’amour.
Cet « homme qui penche » sur l’abîme fut, en dépit de tout, ce contemplatif dont les mots partagent la manne secrète d’une autre façon d’être dans le chantier de la création : « Que de journées sans un mot, seulement vécues par le regard et toute cette manne le soir à ne savoir qu’en faire. La vie. Et rien. Sinon ce sourire, cet accord entre ce qu’on voudrait qui soit et ce qui est. Comme une fable entre le loup et l’agneau. »
Le pays de Thierry Metz est simple, vertical, concret et métaphysique. Son lexique est celui d’un homme qui sait manier les outils ; sa métaphysique est d’un homme qui se salit les mains, pousse une brouette, monte sur un échafaudage ; ses voyages sont de tenter quelques pas hors du petit « moi » ; sa charité, de charger le jour sur son épaule et de le faire monter au-delà du désespoir.
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C’est au tour de Jean Grosjean de nous livrer la vision qu’il a du poète, notamment dans la Préface qu’il a rédigée lors de la parution du recueil intitulé Le journal d’un manoeuvre aux Editions Gallimard en 1990.
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A lire ces pages de Thierry Metz, nous comprenons à quel point écrire n’est pas orner, amplifier, orchestrer. C’est seulement éclairer le réel, mais avec les projecteurs brutaux du réalisme. Ce serait plutôt comme une ombre qui rend évidente la luminescence propre aux choses, aux faits, aux êtres.
Rien à voir avec les curiosités fouineuses des philosophies. La candeur des apparences est plus révélatrice qu’on ne croit. Les vrais textes ne sont pas des chirurgiens mais une intensité et cette intensité est discrète, loin des passions théâtrales ou des langueurs complaisantes.
Si la vie nous submerge, ne croyons pas échapper à l’asphyxie en criant, en gesticulant, en nous accrochant aux planches pourries des valeurs sociales ou des doctrines secrètes. Thierry Metz nous tend la perche d’une simplicité secourable.
C’est que vivre a quelque chose de terriblement élémentaire. Chaque matin, l’âme se réveille toute nue, et le travail, la douleur, les gens, l’absence sont debout, bras croisés, à l’attendre avec un dur regard d’examinateur. Mais, chaque soir, quand la fatigue ne l’a pas anesthésié, Thierry Metz note la part respirable des heures qu’il a traversées.
Ce que nous pouvions prendre pour un univers de médiocrité banale se trouve être une merveille. Elle ne nous retient pas par la manche comme le font les vendeurs forains. Elle parle à mi-voix et l’entende qui veut. Elle dit : qui que tu sois, tes instants ne contiennent rien d’autre, mais ils sont des miracles.
Jean Grosjean, 21 avril 1989
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Pour celles et ceux qui souhaiteraient approfondir cette entrée en matière, je laisse votre curiosité vous accompagner dans cette tâche. 😉👍
Et pour vous, qu’en est-il? Connaissiez-vous ce poète? Qu’évoque, à vos yeux, la nature de sa poésie? Comment la décririez-vous? Qu’est-ce qui vous touche ou vous interpelle le plus dans ses écrits?
De votre côté, y a-t-il un auteur, qu’il soit poète ou autre, que vous aimeriez nous faire connaître? Oui? Je vous invite donc à en partager l’identité avec nous et à nous dire, en quelques mots, ce qui vous a amené vers cet auteur.
C’est parti! La section Commentaires 👇 n’attend plus que votre apport sur le sujet.
Alors, cet auteur, comment s’appelle-t-il?
On en parle? 😀
Aller plus loin :
🔵 Prêt(e) à comprendre ce qui vous fait agir dans un sens plutôt que dans un autre? Rencontrons-nous!
🟠 Sur quelles structures énergétiques votre construction identitaire repose et à partir desquelles vous créez votre vie au quotidien? Réponse autour de votre Référentiel de Naissance.
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